jeudi 30 août 2007

CONTE DES ILES SAMOA

               Sina était une très belle princesse des îles Samoa. Elle était alliée à tous les grands chefs de son temps. La réputation de sa beauté s'était d'abord répandue partout dans les îles proches, puis dans les îles Tonga et, au-delà, jusque dans les îles Fidji.
             Tous les grands chefs de son pays avaient rivalisé d'habileté et de parures pour toucher son coeur mais aucun, même le plus jeune, le plus beau et le plus fort d'entre eux, n'avait réussi à toucher son coeur.
              Ce furent ensuite ceux des îles Tonga qui se présentèrent. Ils s'essayèrent aux concours de javelots : C'était à qui en planterait le plus grand nombre dans la noix de coco la plus éloignée, fixée le plus haut. Ensuite, il y eut un concours de pêche au harpon et ce fut à qui, des plus hauts récifs de corail, prendrait le plus gros poisson, il y eut des courses sur la plage. On se défia à celui qui réussirait à soulever la plus grosse pierre, la plus lourde. Je crois même que l'on se défia à celui qui plongerait le plus profondément dans le lagon, à celui qui resterait le plus longtemps sous les eaux. Quelques uns y laissèrent la vie ... Les survivants rivalisèrent ensuite pour la beauté de leurs parures et la grâce de leurs chansons et de leurs danses. Rien n'y fit : Le plus jeune, le plus beau et le plus brave des chefs Tongans ne parvint pas à toucher le coeur de la princesse.


               Tingilau, fils du grand chef fidjien Tui-Viti décida d'aller voir la princesse qu'aucun chef n'avait pu conquérir. Paré de toute sa beauté, guidé par deux tortues favorites au service de ses dieux, suivi par une flottille de canots de guerre, Tingilau prit la mer. Il arriva à Samoa sans difficulté, porté par les eaux calmes et une douce brise.
Il se présenta devant la belle Sina : Beau et brave, gai et éloquent, il n'eut pas de mal à gagner le coeur de la princesse : Ce fut pour eux comme si le ciel s'était entrouvert ! Ils annoncèrent leur bonheur...
             Tous les chefs Samoans, piqués de jalousie, s'opposèrent au départ de la princesse : il n'était pas question qu'elle suivît un chef étranger!
Tingilau leur répondit que, dans son pays, personne n'aurait osé s'opposer aux désirs du fils de Tui-Viti. Il demanda à son équipage de se préparer à combattre . Mais Sina tempéra sa colère impétueuse en lui disant :

_ " Je ne peux pas me rendre à ton canot en marchant dans le sang de mes parents ! "

              Puis, mutine et rusée, elle ajouta :

_ " La lune est ronde et brillante ... Combien d'hommes faudrait-il pour vaincre la résistance d'une femme et de quelques-unes de ses domestiques, si on les trouvait se promenant tranquillement au bord de la mer au clair de cette pleine lune ? "


             Tingilau garda le silence. Il cherchait dans son esprit quel était le sens du message caché. Il réfléchit longuement puis il dit à la belle Sina qu'il se retirait, avec ses hommes, pour aller boire, comme tous les soirs, la liqueur sacrée du Kawa.
Sina avait compris : Elle attendit que le temps fût venu d'aller se promener sur la plage au clair de la lune ...

               Autour du bol à Kawa étaient assis Tingilau, fils de Tui-Viti, et ses chefs, choisis parmi les fidèles capitaines de sa flotte. Tingilau, s'adressant à eux, dit :

            _ " Mon père, Tui-Viti, attend notre retour. Je lui ai promis que nous sonnerions de la conque et du tambour, en arrivant, pour annoncer l'heureuse arrivée de la princesse Sina. S'il n'entend pas le tambour et la conque, jamais il ne nous laissera aborder les Fidji. Nous devons absolument ramener la belle Sina, que tous les autres chefs n'ont pu obtenir ... Cette nuit, quand la marée atteindra les pieux auxquels les canots sont amarrés et que la fraîche brise de terre apportera le sommeil aux jeunes guerriers samoans, que vos voiles soient prêtes et vos pagaies dehors ..."

                  Tingilau, fils de Tui-Viti but son kawa et il retourna vers la belle Sina. Il lui dit tranquillement à l'oreille:


_ " Je pense qu'un chef, avec l'aide de trois ou quatre guerriers fidèles, pourrait vaincre la résistance d'une jeune princesse et de trois ou quatre de ses suivantes, si elles se promenaient sur le rivage pour voir la marée montante et le coucher de la lune. "

           Avec un petit sourire en coin, Sina sussura à son oreille :

_ " Tingilau, le fils de Tui-Viti, pourrait s'en assurer en en faisant l'essai ... "

                Les suivantes de Sina chantèrent des chansons qui louaient sa beauté. Le refrain répétait à l'envi que jamais aucun chef ne pourrait toucher son coeur ou l'emmener ...
             Les compagnons de Tingilau chantèrent des chansons qui plaignaient leur chef: Le coeur répétait à l'envi l'impossibilité de toucher le coeur de Sina et la "nécessité" de retourner aux îles Fidji sans la belle princesse ...
Les jeunes Samoans s'endormirent tranquillement.

              Au moment où le milieu de la nuit était passé, quand la lune fut dans l'ouest, Sina et cinq filles se rendirent sur la plage de sables du rivage. Les flots montants battaient leurs pieds nus. Tingilau était là, avec cinq fidèles compagnons.


                 Chaque homme enleva son fardeau, qui restait silencieux, et le porta dans le canot de Tingilau. Les pieux furent abandonnés. La fraîche brise de terre gonfla les voiles. La belle Sina, qui avait attiré aux Samoa un si grand nombre de jeunes chefs des autres îles, parés de leurs belles nattes ornées de plumes de perroquet rouge, de leurs brillants ornements de tête en coquilles de nautilus , de leurs riches colliers de perles et de nacre, la belle Sina, dont le coeur n'avait pu être touché par aucun chef des Tonga, partait et s'éloignait sur la mer avec le beau et brave Tingilau, le fils de Tui-Viti ...

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